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Les cinq jours de Célestine Sabine
23 février 2023

Aie mes aïeux, chapitre 3

Frédérique n’avait que peu d’éléments à sa disposition pour expliquer ce qu’elle considérait comme une mésalliance. Elle s’appliquait à tirer sur les petits bouts de fil qui dépassaient et espérait ainsi détricoter tout le pull.

La première chose qui lui venait à l’esprit quand elle pensait à la vie de son grand-père à la ferme ce n’était pas une histoire d’amour de jeunesse mais une histoire de haine. Il disait à tout bout de champ sa haine vis à vis de son voisin, voisin qui avait dû lui faire du tort et qu’il traitait volontiers de ‘aquello puto’ ce qui signifie peu ou prou ‘quel salaud’. Frédérique avait toujours pensé qu’un contentieux ancien se mettait régulièrement à jour dans sa tête, contentieux au sujet de bornage de terres, de vol de moutons, de récolte ou de Dieu sait quoi d’autre. Les deux propriétés se touchaient mais l’agriculteur honni était beaucoup plus riche, plus en vue socialement que la famille de son grand-père. De plus ce salaud s’était permis de couper en deux, l’arbre qui servait de limite à leurs deux parcelles, les branches qui dépassaient chez lui devaient lui faire de l’ombre et empêcher le blé de pousser de son coté ! Bref ce maudit Sicard de l’Hospitalet et son grand-père se détestaient à mort, d’ailleurs son grand-père l’avait détesté jusqu’à la fin de ses jours tant et si bien que ses enfants et petits enfants en avaient peur, il était une sorte d’ogre qu’il fallait éviter. A noter que cette haine était dirigée vers celui qu’il appelait le vieux Sicard et pas contre son fils Alphonse, il haïssait donc à mort un homme de la génération de son propre père.

La seule histoire de sentiments dont se souvenait Frédérique remontait à l’enfance de son grand-père, elle avait déjà écrit un texte sur sa jeunesse, récit qui à présent lui revenait en mémoire et lui semblait pouvoir éclairer ce mystère du mariage arrangé :

« Il n’avait pas dû recevoir beaucoup de marques d’attention dans sa jeunesse. Vers la fin de son enfance, à 9 ans on l’avait « loué » comme on disait à l’époque, comme berger ou garçon vacher dans une ferme des environs. Étienne à 60 ans se souvenait de l’affection que lui avait donnée une jeune fille présente dans l’une de ses fermes. Des larmes de bonheur brillaient dans ses yeux quand il racontait l’histoire. L’histoire d’un jour où il avait froid, où il était fatigué et mouillé et où il devait comme d’habitude dormir avec les vaches. L’histoire de cette fille (il prononçait fille avec au moins 3 ou 4 l ) qui l’avait déshabillé, séché, cajolé et qui lui avait pour la première fois de sa vie témoigné de l’affection. A 60 ou 70 ans, Étienne en était encore ému aux larmes. Cette « fillounasse » d’une quinzaine d’années lui avait prêté attention, donné de l’amitié, qui sait quelques traces d’amour. Étienne avait gardé intactes ces émotions jusqu’à la fin de sa vie. A croire que rien d’autre n’aurait pu surpasser ces quelques gestes bienveillants. Peut-être les seules marques d’amour reçues dans son enfance. »

 

A suivre : Et si ??

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