Initiales brodées
Ce billet est à visée thérapeutique car je viens de prendre conscience au cours d’une conversation avec une amie psychologue du très ancien problème : « Comment faire pour se séparer d'objets de famille qui encombrent lesplacards ? » D’après elle, on peut s’approprier l’histoire de sa famille autrement qu’au travers d’objets. On peut se créer son propre récit en posant des questions aux anciens de la famille, en récoltant des souvenirs ou en fouillant dans les albums photos. On peut ainsi parait-il se défaire du drap de lin brodé qui tient tant de place dans son armoire….
Le drap en lin brodé dont m’a parlé mon amie psy, fait écho chez moi à un service complet composé d’une nappe blanche de 8 couverts et des serviettes assorties remontant à 1927 date du mariage de mes grands-parents maternels. (bientôt 100ans!) A quand remonte ma prise de possession de cet objet brodé aux initiales de mon grand-père DS ? Probablement à 1996 quand on a vidé la maison. Je compte et recompte, je ne peux pas croire que ces serviettes soient restées 70 ans dans l’armoire de mes grands-parents sans avoir JAMAIS été utilisées.
Et pourtant quand je les regarde, je constate que le tissu est neuf, les broderies parfaitement amidonnées et repassées et dire que ça fait presque 30 ans que je les garde précieusement sur une étagère de mon dressing ! Et bien sûr je ne m’en servirai JAMAIS non plus. J’imagine aisément mon arrière grand-mère préparant le trousseau pour le mariage de son fils. L’a-elle brodée elle-même ? Je n’en ai aucune idée mais qu’importe, la charge affective est telle que je suis pieds et poings liés devant l’objet.
Cette nappe et ces serviettes ont eu une telle importance que ma grand-mère elle-même n’a jamais osé les toucher et moi je m’autoriserais à les jeter ! ?? ! Une chose est troublante, mes grands-parents avaient deux filles, pourquoi m’avoir choisie moi l’une des petites filles pour hériter de ce service de table brodé DS ? Laquelle des deux filles a dit de me donner l’objet à moi plutôt que le garder précieusement dans leurs armoires respectives ? Je sens qu’il y a comme une anguille sous roche, n’ai je pas hérité du bâton merdeux dont personne ne voulait ? Car enfin, je n’ai rien demandé et je suis bien sûre que ma grand-mère n’a rien décidé en ce sens avant de mourir…..
Alors qu’en faire ? Écrire l’histoire de cet objet, écrire pour laisser aller ? Cela me permet-il de m’en débarrasser sans trahir ceux qui m’ont précédée ? A ce jour je suis dubitative et je n’ai pas encore confié la nappe brodée ni à Emmaüs ni à mes propres enfants qui ont allégrement décliné mon ‘cadeau’ en prétextant qu’ils n’avaient pas de place ou simplement pas besoin. C’est la japonaise Marie Kondo qui le leur a soufflé !
Trouverai-je un de ces jours une idée originale me permettant de transformer ce service, de le transmuter en autre chose ? Une métamorphose devrait être possible, reste à inventer….