Aimé, Jeanne et Jeannette. Partie 3. L'enquête, suite.

Dés le lundi Marie-H téléphone à la mairie du village pour savoir si quelqu’un a été récemment enterré chez les Dalby. Réponse non. Le mystère s’épaissit. Elle s’acharne car elle est sure que Jeannette a fait un signe. Lui reste à faire jouer son petit réseau amical pour en savoir plus.

Contact est pris avec quelqu’un qui dans le village connaît a peu près tout le monde afin de savoir comment joindre Jeannette. Après moultes péripéties et appels téléphoniques compliqués son correspondant lui donne …. les numéros de téléphone de Jeannette, un fixe et un mobile ! Marie-H n’en croit pas ses yeux et elle est folle de joie en s’inventant toute une histoire : s’il a obtenu ces numéros de téléphone c’est que Jeannette est d’accord, elle veut bien que ce secret n’en soit plus un ! Marie-H se demandant toujours comment aborder ce délicat sujet directement, décide d’envoyer un texto pour peser ses mots. La réponse a fusé moins de trente minutes plus tard mais c’était pas exactement ce qu’elle attendait. Marie-H a reçu un texto de …. la fille de Jeannette expliquant que sa mère était très fatiguée et n’avait plus toute sa tête. S’en est suivi une longue conversation téléphonique avec cette personne, conversation surréaliste à plus d’un titre : son interlocutrice lui dit avoir beaucoup entendu parler de la famille d’Aimé, savoir que ses grands parents Dalby étaient amis avec les propres grands parents de Marie-H, elle a évoqué tout ce qu’elle savait des liens entre les deux familles mais à aucun moment elle n’a compris qu’elles avaient (ou pouvaient avoir) le même ancêtre, le même grand-père !

A un moment il y a eu un blanc et Marie-H a enchaîné sur le cimetière et le fait qu’elle a trouvé des fleurs déplacées sur la tombe de ses grands parents, la réponse l’a laissée sans voix, elle a entendu sa correspondante dire :« Sur notre tombe aussi il y a des objets que nous n’avons pas mis et qui ne devraient pas être là, j’y suis allée pour Toussaint avec maman ( comprendre Jeannette elle même) , nous avons rénové la tombe certes mais pas mis ces objets ( elle parle des fleurs en terre vernissée que Marie-H a vues et qui sont toutes neuves). Je crois que quelqu’un s’amuse à déplacer des vases et des fleurs dans le cimetière ! »

Suite à ces considérations, après avoir raccroché Marie-H est restée le téléphone en main bien songeuse. Cette personne n’a absolument pas compris le but de la démarche, n’a pas un instant pensé qu’il y avait autre chose derrière cet appel, autre chose que le souhait de parler avec Jeannette du bon vieux temps d’autrefois. Marie-H n’a pas eu besoin d’expliquer quoi que ce soit, son interlocutrice a juste compris qu’elle voulait retrouver une ‘amie’ d’enfance, point à la ligne. Et dire qu’elle est (peut-être ) sa cousine germaine. Jeannette n’a jamais parlé de rien à sa famille, n’a pas dit à ses enfants qu’elle avait un père biologique, qu’il y avait un secret quelque part. Jeannette a gardé pour elle ce qui peut-être était une blessure, une faute (de sa mère Jeanne) qu’il convenait de dissimuler aux générations suivantes. A quoi bon, a-t-elle dû se dire. Peut être ce père biologique a-t-il lui même organisé l’omerta, ne pas parler de tout ça, c'est du passé, c'est fini.

Cette conclusion n’élucide en rien la présence de ces fleurs inattendues sur les tombes ni pourquoi cet amuseur de cimetière s’est ingénié à déplacer à deux reprises la gerbe de fleurs artificielles

qui orne la plaque aux deux visages féminins.

Marie-H n’en saura probablement jamais rien.